vendredi 4 août 2006

Niger entre famine et esclavage.
Deux regards sur le Niger. Un si beau pays… mais. Un pays ravagé par les fléaux naturels depuis les années 70. Le Niger connaît la famine. Les invasions de criquets, les années de sècheresse ont installé la malnutrition et la mortalité infantile. Au Niger, plus de 80 % de la population – chiffres donnés par « Alternatives-International » est touchée par « l‘insécurité alimentaire » et plus de 4,2 millions de personnes souffrent de malnutrition chronique.
Le Niger ne se remet pas de son passage à l’an 2000. Une année d’apocalypse marquant la pire récolte depuis la famine tristement mémorable de 1984. S’ensuivit une famine dont on ne commença à s'alarmer à un niveau international qu’en 2005. Et encore, la presse a-t-elle été relativement silencieuse. Télérama a titré sur la famine au Niger mais bien peu y ont consacré leur une. Les ONGs n’ont pas été aussi visibles sur cette crise majeure que dans leur gestion de l’après Tsunami.
Pourquoi ? Pourquoi la médiatisation internationale de cette famine a-t-elle été faible avant 2006, nous ne le savons pas - pas arrivé au bon moment dans le planning médiatique du drame, de l'horreur ? On se souvient combien les télés, et dans une certaine mesure l'ONU, ont tardé à réagir face au génocide rwandais et de la mise en parallèle avec leur intervention plus franche dans les Balkans - mais nous tenons un début d'explication quant à sa faible exposition aujourd'hui. D’après temoust.org, canal de la résistance touareg, depuis le 4 avril dernier, le gouvernement n’accrédite plus les journalistes de la presse internationale qui voudraient couvrir une crise alimentaire qui succède à celle que l'on pensait en voie de résorption. Comme une inflation de la famine.
Et si ça ne suffisait pas, le Niger est aussi victime de fléaux humains. Ce pays subirait l’impitoyable retour de flamme de ses croyances et de ses traditions. Prohibitions alimentaires mettant en danger la santé des nouveaux-nés. Société polygame où les femmes sont mariées à onze ans sans jamais avoir été scolarisées ou si peu. Et enfin, le vieux mal de l'esclavage. Car c’est un sujet tabou. L’esclavage et son extension économique, « la traite », ne se limite pas à la traite Atlantique par des négriers blancs. Il y eut aussi la traite transsharienne. Des négriers arabes mais aussi des négriers noirs qui utilisaient (en particulier dans les "greniers" de l'Afrique occidentale côtière) ou vendaient leurs pairs de couleur de peau, souvent des captifs de guerres inter-tribus, inter-ethniques, aux négriers arabes ou blancs. L'esclavage existait en Afrique noire. Sans alléger la culpabilité de nos négriers européens, le fait que le sentiment d'appartenance ethnique soit longtemps resté plus fort que l'avénement tardif d'un sentiment panafricain a assuré la pérennité de la barbarie que nous avons largement systémisée.
Et puisque nous commémorons cette année son abolition, (158 ans que la France n’est plus esclavagiste tout en développant d’autres formes de ségrégations raciales), je voulais vous signaler deux articles à cliquer. L’Express met en ligne un diaporama ainsi qu’un article remarquable sur l’esclavage qui survit au Niger quoique combattu par d’anciens fils d’esclaves. http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/niger/dossier.asp?ida=438050
Au Niger, il n’y a pas de planteurs, et cependant vous appartenez à votre maître à la vie à la mort. (En photo, jeune esclave au Niger. Certaines parviennent à s'échapper). Il ne s’agit pas « seulement » de travail effectué dans des conditions objectivement insupportables. Ou du travail inacceptable des enfants. L’esclave est vraiment esclave et sa vie ne lui appartient pas. Au Niger, un fils, chef touareg, parvient parfois à convaincre sa mère d’affranchir leurs onze esclaves.
A cette occasion, L’Express re-publie un article au titre percutant « Traditions fatales ».
http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/niger/dossier.asp?ida=434926
A lire, et cependant, occidocentrés, si nous prenons comme une claque sa réalité cruelle entre famine et esclavage, le Niger nous échappe. Nous sommes trop loin de sa culture et du quotidien de ses habitants. De l'Afrique, et surtout de l'Afrique noire, nous ne connaissons souvent que ce que nous laissent entrapercevoir les tour-opérators. De belles images, et pour les plus partisans de l'authentique, un bivouac entre dunes et chameaux, entre savanes et fauves tapis dans l'ombre de la tente... Pour parer à la famine, les USA se sont servis des champs dépeuplés pour déverser comme une pluie de poussière d'or leurs graines transgéniques. Laboratoires à ciel ouvert. A cette échelle, le don n'est jamais gratuit.