lundi 26 mai 2008

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Vendue à 12 ans, une Nigérienne a servi "d'esclave sexuelle" pendant dix ans
NIGER - 10 mai 2008 - APANEWS
Vendue à 12 ans, une jeune Nigérienne a servi d'"esclave sexuelle'' pendant 10 ans à un septuagénaire de son village, a révélé le président de l'association nigérienne contre l'esclavage ''TIMIDRIA'', Ilguillas Weilla, dans un entretien avec APA. Orpheline de père et originaire d'un village de Doguéraoua dans la région de Tahoua (centre-est), Hadijatou Mani Korao aujourd'hui âgée de 24 ans avait été vendue par son maître à «250.000 FCFA » à un septuagénaire qui possédait déjà quatre épouses et « sept autres esclaves sexuelles, utilisées comme domestiques », a poursuivi le président de TIMIDRIA. Weilla a rappelé que son organisation a « pu obtenir la libération de cette dame en même temps que 31 autres auxquelles des attestations de libération dites certificat d'affranchi ont été délivrées par leurs maîtres ». Cependant, la liberté fut sans répit pour Hadidjatou dont le maître continue de la réclamer comme étant sa femme alors même qu'en lieu et place d'un certificat de mariage, il existe plutôt un certificat d'affranchi qu'il avait lui-même délivré à la jeune femme. Mariée entre-temps à un homme qu'elle aimait, la jeune dame fut convoquée devant la justice par son ancien maître qui s'oppose à cette nouvelle union. Dans un premier temps, le tribunal a estimé qu'il n'y avait pas eu de mariage entre la jeune dame et son maître. Sur insistance de l'ancien maître qui a fait appel d'une telle décision de justice, poursuit M. Weila, « un autre tribunal a estimé qu'il y avait bel et bien mariage entre Hadijatou et son maître et que par conséquent cette dernière est coupable du délit de bigamie». Elle écope alors d'une peine de six mois d'emprisonnement ferme. « Le juge avait soutenu que la femme était une wayia, et qu'elle devait rester auprès de son maître. Il s'agit manifestement d'u déni de justice car la loi pénale nigérienne prévoit et punit le délit d'esclavage », a souligné le responsable de TIMIDRIA. Après plusieurs requêtes infructueuses devant les juridictions nigériennes et aidée par TIMIDRIA et quelques avocats, la jeune dame porta l'affaire devant la Cour de justice de la CEDEAO à Abuja, qui a accédé à cette demande en décidant de venir siéger à Niamey « en raison de l'état social » de la plaignante. Le procès engagé contre le gouvernement du Niger par Hadijatou Mani Korao, devant la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), tenu du 7 au 11 avril derniers à Niamey, constitue la première affaire d'esclavage au Niger à être portée devant la justice. La plaignante décida de poursuivre l'Etat du Niger qu'elle accuse de n'avoir rien fait pour empêcher sa servitude malgré l'adoption depuis 2003 d'une loi contre l'esclavage dans le pays. La Courde justice de la CEDEAO a remis pour le 27 octobre prochain, le délibéré dans le procès qui oppose cette jeune dame « qui fait partie d'un groupe de 32 autres femmes aidées à s'affranchir du joug de l'esclavage par TIMIDRIA », a indiqué M.Weila. Ces femmes, précise-t-il, «avaient quelque chose de commun : elles étaient toutes des Wayia, une pratique qui consiste à transformer la cinquième épouse en une esclave sexuelle ». « Mon maître ne m'avait pas épousée, mais je vivais avec lui comme son épouse, je travaillais pour ses autres femmes. Il me battait », avait raconté en marge de son procès Hadijatou Mani. A l'instar du Mali, du Burkina, et de la Mauritanie, « des pratiques esclavagistes persistent au Niger, sous diverses formes qui varient selon que l'on soit dans une société nomade ou sédentaire ». « Nous avons d'abord l'esclavage actif présent chez les nomades à savoir les Peuls, les Arabes, les Touareg et les Toubou, l'esclavage passif présent chez les peuples sédentaires de la bande sud-ouest du Niger », a précisé le président de TIMIDRIA. Selon lui, ce type d'esclavage implique des attributs des droits de propriétés qui pèsent sur les victimes ainsi que des pratiques discriminatoires dans le modèle de l'habitat avec la constitution dans plusieurs villages des quartiers dits « Dabey » (quartier d'esclaves), que l'on rencontre chez les Djerma-songhai, au sud-ouest du Niger. « Les esclaves n'étant pas autorisés à disposer de terre, utilisent celle de leurs maîtres, ce qui fait le lit de toute sorte de spoliations visibles à la fois à Niamey, la capitale et dans les autres contrées du pays » a conclu M.Weila. « Actuellement, nous avions été saisis d'un dossier portant sur plusieurs champs arrachés à des personnes taxées d'esclaves par des prétendus maîtres aux environs de Niamey, la capitale », a-t-il révélé. Au Niger, une loi criminalise l'esclavage qui est « puni d'une peine d'emprisonnement de 10 à 30 ans et d'une amende allant de 1.000.000 à 5.000.000 FCFA ». Selon une enquête réalisée en 2003 pour le compte de TIMIDRIA, on dénombre quelque 870.363 esclaves répartis entre six des huit régions du Niger, à l'exception de la Communauté urbaine de Niamey (la capitale) et de Diffa, dans l'extrême-est du pays.
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