mardi 28 octobre 2008

Une cour régionale africaine condamne le Niger pour esclavage
LE MONDE 28.10.08 14h30 • Mis à jour le 28.10.08 14h30
e destin maudit d'Hadijatou Mani, une jeune Nigérienne de 24 ans, semblait tracé. Fille d'esclave du centre du Niger, elle l'était devenue elle-même dès l'âge de 12 ans, vendue 500 dollars à un maître qui ne l'exploitait pas seulement pour les travaux domestiques et agricoles mais également comme wahiya, une esclave sexuelle. Lundi 27 octobre, Hadijatou Mani est entrée dans l'histoire de son pays en le faisant condamner par la Cour de justice de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) : première condamnation pour le Niger sur un tel sujet, premier cas de la sorte jugé par cette instance régionale. L'Etat nigérien est coupable de n'avoir pas protégé la jeune femme à laquelle il doit verser 10 millions de francs CFA (15 000 euros) de dommages et intérêts. Hadijatou Mani en réclamait cinq fois plus.
OAS_AD('Middle1');

.AdvertMiddle1 {margin-bottom: 20px;}
Avant de recourir aux instances judiciaires régionales - grâce au soutien des organisations non gouvernementales britannique Antislavery International, nigérienne Timidria et le Centre international pour la protection judiciare des droits de l'homme (Interights) -, la jeune femme s'était tournée vers la justice de son pays. Son courage mal récompensé ne lui avait alors valu qu'une peine d'emprisonnement de six mois. Pour "bigamie", avaient tranché les juges nigériens. La cour avait en effet donné raison à une loi coutumière voulant qu'elle devienne l'épouse légale de son maître après son affranchissement en 2005.
La jeune femme, elle, avait préféré épouser un autre homme plutôt que ce El-Hadj Souleymane Naroua, son ancien maître et ami de celui qui, des années auparavant, réduisit en esclavage la mère d'Hadijatou Mani. La procédure judiciaire pour crime d'esclavage intentée contre El-Hadj Souleymane Naroua a été suspendue dans l'attente de la décision de la Cedeao. Elle pourrait donc reprendre.
La victoire judiciaire, lundi à Niamey, de la jeune nigérienne pourrait dépasser son cas personnel. "Cela a valeur d'exemple pour toutes les personnes subissant le même sort, espère Romana Cacchioli, d'Antislavery International. Elle démontre qu'une femme issue de la classe la plus défavorisée peut faire reconnaître ses droits. C'est aussi un message adressé, notamment, aux pays de la région". "Nous prenons acte de cette condamnation. Nous sommes légalistes et respecterons la décision", a promis l'avocat du gouvernement nigérien, Mossi Boubacar.
Les ONG attendent également que Niamey lutte plus radicalement et plus concrètement (campagne de sensibilisation, formation des personnes judiciaires, éducation...) contre "cette pratique ancrée dans la culture des habitants", explique Romana Cacchioli. Selon Antislavery, le Niger, signataire des conventions internationales interdisant et pénalisant l'esclavage, compterait environ 43 000 esclaves (sur 12 millions d'habitants). En Mauritanie, ce phénomène toucherait 18 % de la population. Le Mali n'est pas épargné. Dans le monde, il y aurait plus 12 millions d'esclaves, selon la même source.

Aucun commentaire: